Pile Poils… L’aventure qui se termine à « poils » !

Comment découvrir le fonctionnement de la justice pour 100 000 euros ?

Pour le savoir lisez notre tribune d’entrepreneur du syndicat IDEE PME :

En 2004, un contact client très prometteur, me propose de rentrer au capital de sa structure, comme je suis chargé de sa communication et que je connais parfaitement l’entreprise, ses projets de développement et ses perspectives plus qu’alléchantes… Ce dirigeant, d’origine allemande, souhaite dupliquer en France un modèle économique qui a fait la réussite de son créateur en Allemagne, avec quelques 200 magasins spécialisés en animalerie.

En décembre 2004, flatté par la confiance que m’accorde le dirigeant d’alors, et au vu du potentiel d’alors, un marché en plein devenir et en plein boom, je décide d’investir à titre personnel l’équivalent de 30 000 euros… Confiant dans le potentiel du marché naissant en France et en pleine structuration : les magasins spécialisés dans la distribution animalière.

Devenu actionnaire du jour au lendemain d’une future pépite (avec un projet d’introduction en bourse, cerise sur le gâteau)… Je m’attelle à ma tâche de communicant : pendant 3 ans, je vais consacrer l’équivalent d’un mi-temps à ce projet, soit 3 jours par semaine, à développer la communication, le réseau et la notoriété dans le Grand Est de la France… Persuadé que le projet est bon et à fort potentiel. Et à l’époque, je suis bien placé pour le savoir : les clients sont contents, les ventes progressent, les opérations de communication sont un succès et ce réseau d’animalerie dérange fortement la concurrence en place… D’un petit magasin situé à Mulhouse, on se retrouve vite au bout de 3 ans avec un réseau de 16 magasins dans tout le Grand Est de la France…

Bien entendu, mon rôle est de communiquer sur le projet, pas de suivre les chiffres… Jusqu’au jour où la machine commence à s’enrailler… Mon premier et gros client (50% du C.A.) d’alors commence à avoir du mal à me payer… Je me dis que c’est passager, et qu’un tel réseau de magasins ne peut que marcher… Car les ventes sont là… Mais a priori, les financements… non !!!

Un jour, je découvre que ces 16 magasins ont été ouverts, montés et développés, avec le financement débloqué pour l’ouverture de 3 magasins… Glurps… Une vraie cavalerie !!! Le dirigeant au bord du gouffre, et pour éviter les « tracas », vend le groupe à un repreneur tout aussi sulfureux (un gentil escroc qui a 17 dépôts de bilans à son actif)… Le groupe est au bord du gouffre, en quasi faillite, et les tensions commencent à être grandes…

Le nouveau repreneur me propose de convertir mon capital en 5% de la nouvelle holding regroupant encore davantage de magasins (à la fois l’animalerie, plus encore 6 magasins en alimentation… 5% de tout cela, oh, je suis riche…)

1 an passe, et je me retrouve un jour avec 55 000 euros de factures impayées… Plus 30 000 euros de soi-disant participation dans une holding. A 85 000 euros, pour un petit comme moi, ça commence à faire beaucoup…

Et un jour, au courrier je me retrouve avec un courrier d’avocat (une personne de mon réseau de connaissance, en plus) qui m’accuse de fausses factures… Ouh la… Qu’ai-je fait à part bosser ? Je prends contact avec les dirigeants d’alors qui m’expliquent que tout ça c’est bidon… qu’ils ne me doivent rien… Ils ont même le culot de faire un communiqué officiel et l’affiche en vitrine du magasin pour expliquer qu’ils ne me doivent pas 100 000 euros (je n’en demandais que 85 000)…

Le temps passe et je prends conscience de l’escroquerie… Je fais valoir mes droits et demande à un huissier qui prend mes factures (et devis signés par le client et traites rejetées) pour demander paiement… Rien ne bouge si ce n’est qu’un autre créancier me confie avoir été menacé s’il devenait trop revendicatif (« ça nous coutera 2000 euros en Ukraine pour te faire taire » lui avait-on répondu)… En pleine débâcle, nous sommes en 2007-2008 alors, je comprends que c’est pire que le far-west, et que les méthodes sont dignes de truands et d’experts en malversation financière…

Au passage, je me retrouve convoqué et interrogé par la Brigade Financière, qui m’interroge tout un après-midi avec un psychologue et gendarme, tel un voleur… Car le dossier, j’ai bien compris est très chargé… Et ils comprennent vite que je n’ai rien à me reprocher. Suite à ma déposition, je décide donc de contre attaquer au pénal, défendu par un très bon et courageux avocat, il faut le dire… Il va même découvrir que la moitié des employés sont payés « en billets » et sans contrats de travail (oui, en France… alors qu’on nous embête tellement avec les lois) Nous sommes déjà en 2014, soit 10 ans après le début des faits… Le dossier étant tellement gros, le juge décide alors de rouvrir le dossier. L’audience de la cour d’appel de Colmar du 7 février 2014 me donnera raison. J’ai gagné mon procès contre le premier dirigeant… Il est condamné à me rembourser mes 30 000 euros, qu’il a au passage encaissés sur un compte privé… Et donc, j’ai compris que je n’ai jamais été actionnaire de quoi que ce soit, si ce n’est d’avoir en ma possession des parts de société bidon et des faux documents …

Suite à cette condamnation, j’ai mandaté un huissier pour récupérer mes fonds… mais la procédure n’a pas abouti, car ce cher dirigeant a parfaitement organisé son insolvabilité :

  • On arrive chez lui devant une somptueuse bâtisse, mais non répertorié à son nom (le bien est certainement a sa concubine, car se marier aurait été trop risqué pour le patrimoine)
  • Le dirigeant vient régulièrement sur le site, donc on a la preuve qu’il y habite physiquement tel un fantôme
  • Le dirigeant, d’origine allemande, n’a aucun compte bancaire identifié en France

Donc, comme il a soigneusement orchestré son insolvabilité, et gommé toute preuve physique de sa présence en France, il est quasi impossible de lui demander des comptes…

La Morale de cette histoire :

  • Le projet d’entreprise était bon mais les hommes pourris
  • Plus qu’une perte de 100 000 euros, l’épreuve était beaucoup plus dure à surmonter sur le plan psychologique que financier
  • Si vous connaissez les combines, en France, vous pourrez sévir en toute liberté, sans grand risque, tant la justice est peu efficace :

  – Le Tribunal Administratif a rejeté mes traites et factures impayées de 55 000 euros, les considérant sans fondements alors que j’avais tous les devis signés et traites rejetées en ma possession)

  – La Brigade Financière a fait son enquête, tels des cow-boys, mais sans poursuite et condamnation réelles

  – La Cour d’Appel (et son juge motivé et efficace) m’ont fait gagner le procès, mais les 2 huissiers n’ont rien fait de concret

  – Le liquidateur, chargé de liquider les actifs et mobiliers des 20 magasins à l’époque n’a fait aucune vente aux enchères (mais à qui a donc profité le crime ? En lui posant la question, il m’a fait sortir de force de son bureau)

  • Les dirigeants de cette entreprise sont toujours en activité et en liberté, et n’ont pas le moindre souci à se faire…
  • Et moi je suis toujours vivant (sans plaisanter)