La fable de la commission de sécurité et du repreneur ruiné

Un entrepreneur souhaitait acquérir le fonds d’un hôtel restaurant au prix de 900 000€. L’établissement employait 25 salariés. Il était de bonne volonté et heureux de son projet.

Pour compléter son apport personnel, il s’associe avec deux investisseurs. Malgré cela, il ne sera pas aisé de trouver le financement bancaire. La Banque publique d’investissement (BPI) se porte caution à hauteur 500 000€ au profit de la banque. Le dossier est accepté.

L’entrepreneur se rend alors compte que la commission de sécurité a émis un avis défavorable lors de son dernier passage. Pourtant, l’établissement continue à fonctionner. Pas question pour lui d’acheter dans ces conditions. Il rencontre le vendeur qui s’engage à effectuer les travaux demandés par la commission. Le montant est estimé à 300 000€.

Les travaux sont achevés et la commission émet un avis favorable. Elle spécifie que l’établissement est en parfait état de conformité et qu’il ne présente aucun danger.

L’entrepreneur peut enfin acheter le fonds. L’exploitation suffit seulement à rembourser l’emprunt.

Un an après la reprise, la commission de sécurité effectue une deuxième visite. Un pompier du Service Départemental d’Incendie et de Secours exige, compte tenu de la complexité du dossier, qu’une étude soit diligentée par l’Apave (spécialiste de la maîtrise des risques). Le coût de l’étude est à la charge de l’exploitant : 4 000€. L’entrepreneur a du mal à accepter cette décision mais la pression de la part des contrôleurs est forte et il cède.

L’étude de l’Apave est claire, nette et précise. Elle impose 700 000€ de travaux hors taxes.

Le SDIS doit appliquer des préconisations de l’Apave. Le pompier avoue qu’il ne comprend rien au rapport mais exige l’application à la lettre des préconisations du rapport par un professionnel compétent et reconnu.

L’entrepreneur contacte son banquier. Il ne lui accorde pas un centime de plus. L’exploitation permettant à peine de rembourser le crédit d’acquisition.

La machine s’accélère. Le maire menace de fermeture. Le SDIS met la pression sur le maire qui serait responsable en cas de sinistre. Une réunion est organisée à la sous-préfecture. L’entrepreneur interroge : « Comment a-t-on pu délivrer un avis favorable avant le rachat et imposer des travaux d’une telle importance après la vente du fonds ? La loi aurait-elle changé ? ». La réponse est négative.

Tous sont étonnés mais campent sur leurs positions. L’entrepreneur insiste sur le fait que cet établissement construit en béton avec de grandes portes coulissantes sur toute la longueur du restaurant, avec un balcon à chaque chambre, ne présente aucun danger mortel en cas d’incendie. Tous les participants se rallient à lui mais tous refusent de déroger aux préconisations du professionnel : application à la lettre du principe de précaution.

La société de construction nationale qui a effectué les devis est présente à la réunion. Elle précise que les travaux pourraient être étalés sur plusieurs années.

L’entrepreneur suspecte une collusion entre cette société et les acteurs de la procédure. Il se garde bien d’émettre ses doutes verbalement. Il conclut la réunion sur ces mots : « Impossible, je n’en ai pas les moyens financiers ».

Dans ce cas, le sous-préfet informe de son obligation de transmettre le dossier au procureur : cela constitue une infraction pénale.

La mort dans l’âme, l’entrepreneur ne voit qu’une issue : le dépôt de bilan.

Conclusion de cette dramatique histoire :

L’établissement fermera définitivement ses portes. Le liquidateur ne cherchera même pas de repreneur. 25 salariés perdent leur emploi. L’entrepreneur perd sa mise de plus de 300 000€. Et la BPI, et donc l’Etat français, le contribuable assurera son engagement de caution de 500 000€.

Personne n’a pu dire comment la commission qui s’est prononcée avant la vente a pu émettre un avis défavorable alors que les travaux initialement imposés ont été réalisés.

L’entrepreneur a perdu toutes ses économies. Il ne sera plus jamais hôtelier.

Aucune leçon n’a été tirée de cette histoire, personne ne porte la responsabilité, tout le monde s’appuie sur les décisions d’un autre et semblent indifférents et insensibles à ce naufrage. Déresponsabilisés, les acteurs de cette déconstruction, continuent à œuvrer.

Serait bien clairvoyant, l’hôtelier qui aurait anticipé cette misère. S’en vont bien innocents, les acteurs de ces organismes tout puissants.

Si, vous aussi, vous avez vécu de telles mésaventures : Réagissez. Témoignez, il est temps que les choses changent.